Jonas Djian : "Le contexte de la compétition n'a pas favorisé le jeu"

8/7/2021

Suiveur averti de la Copa America, quel bilan en tirez-vous jusqu'ici ?

Ce dont il faut parler avant toute chose, c'est la qualité des pelouses qui étaient mauvaises. Actuellement, c'est l'hiver dans l'hémisphère sud, il pleut beaucoup et les infrastructures sud-américaines ne sont pas équipées comme en Europe, où nous possédons des pelouses hybrides. Au Brésil, ils n'ont que des terrains naturels et l'addition de la pluie et de l'hiver donne des pelouses grasses et bosselées. Ça n'aide pas pour le jeu. Si vous regardez les buts, ça ressemble un peu au foot du début des années 2000 avec parfois deux, trois petits rebonds quand vous touchez le ballon. Sur la passe décisive de Neymar contre le Pérou, le ballon saute. Techniquement, c'est donc plus difficile de s'en sortir pour les joueurs.

Exceptés le Brésil et l'Argentine que l'on retrouvera en finale, une nation vous a-t-elle agréablement surpris de par la qualité de son jeu et de ses joueurs ?

Le Pérou ne s'est pas trop mal débrouillé. Sinon, j'ai été un peu déçu par l'Uruguay de Cavani et Suarez. Et les grosses têtes étaient là comme on l'a vu avec cette finale Brésil-Argentine. Après, il n'y avait que dix équipes au coup d'envoi de la compétition et il faut savoir que le match d'ouverture a été le moins suivi de toute l'histoire du Brésil. On peut parler d'une compétition au rabais, qui n'aurait pas dû avoir lieu en raison du contexte sanitaire et dont les gens se sont un peu désintéressés. Le format avec seulement dix équipes pour deux éliminées en poules a aussi enlevé de l'attractivité. Les scores ont globalement été serrés et ce sont surtout les joueurs stars qui ont fait des différences.

"Le Brésil est en 4-3-3 et se repose beaucoup sur Neymar."

Malgré cette édition globalement décevante à vous écouter, existe-t-il tout de même une tendance dans les dispositifs tactiques utilisés ?

Le Brésil a évolué en 4-3-3 et se reposait beaucoup sur Neymar. Il ne s'est pas passé grand-chose dans les matches, le duo Neymar-Paqueta se trouvait bien et a fait la différence pour arriver en finale. Comme Messi avec l'Argentine. De toute façon, sur des pelouses comme ça, c'est compliqué de mettre des choses en place. Le contexte de la compétition n'a pas non plus favorisé le jeu. Peu de temps avant on ne savait pas si elle allait se jouer, ni où.

Comment les techniciens des nations sud-américaines moins huppées ont-ils abordé tactiquement ces rendez-vous face aux favoris ?

Elles ont généralement mis un bloc bas de façon à bloquer les techniciens en face. Toutes les équipes savent le faire, elles sont rodées. Dans le foot actuel, si tu fais le minimum pour te replacer, sortir, tu as déjà fait la moitié du travail surtout sur des terrains comme ceux-là.

Par rapport à votre parcours, quelles sont les raisons qui vous ont motivé à vous familiariser avec l'Amérique du Sud ?

Sans vouloir vous raconter ma vie personnelle (sourires), je travaillais comme responsable des visites au Stade de France et mon ancienne copine faisait la même chose au Maracana. Lorsqu'on s'est mis ensemble et que je suis parti là-bas, je suis tombé amoureux du Brésil. Tu peux parler de foot librement, il y a des maillots partout, les gens jouent au foot sur la plage. C'est un détail, mais lorsqu'il joue à FIFA avec le Brésil, le fils de ma nouvelle amie met des systèmes hyper-offensifs comme le 3-4-3. Il ne pense qu'à l'attaque. Et puis moi, je suis tombé amoureux de Flamengo, un des clubs qui comptent le plus de fans dans le monde (50 millions de socios). Quand tu vas au Maracana, c'est quelque chose d'assez impressionnant. Les gens pleurent dans les tribunes après un but. Si tu n'as pas le maillot dans le stade, tu te sens bizarre. Là-bas, on ne parle pas de fan expérience, le spectacle est concentré dans les tribunes et sur le terrain.

Et comment êtes-vous "tombé" dans l'analyse vidéo ?

J'ai toujours été passionné de stratégie et je suis un grand adepte de Football Manager, de FIFA, des jeux sur lesquels j'aime bien refaire les systèmes tactiques, les équipes. Il y a environ deux ans, j'ai vu qu'il y avait des formations et que c'était un métier en développement. Du coup, j'ai passé mon diplôme.

L'analyse vidéo fait désormais partie intégrante de la réussite d'un club pro...

Par exemple, Marcelo Bielsa est un féru de vidéo pour analyser l'adversaire ou pour améliorer sa propre équipe. À Marseille, il mettait un écran sur une voiturette de golf et pendant les séances, il coupait les actions pour montrer aux joueurs ce qu'il devait corriger en quasi-direct. De plus en plus d'entraîneurs prennent l'analyse vidéo en considération parce que le jeu a pris le pas sur la défense en Europe. Il y a eu les disciples de Bielsa comme Guardiola et maintenant la génération Football Manager comme Nagelsmann, qui n'ont pas été pros et qui apportent des idées qui tendent vers le jeu. C'est ce qui m'intéresse le plus.

" L'idée, c'est qu'on puisse opérer ensemble à la promotion des joueurs brésiliens vers l'Europe."

De quelle manière essayez-vous de vous démarquer dans ce métier de plus en plus prisé ?

Je me suis trouvé un petit club de quartier à Rio que je sponsorise avec mon compte instagram dédié à l'analyse vidéo. L'idée, c'est d'aller chercher le marché brésilien et de le développer sur place. En France, c'est assez fermé même si le PSG, Marseille, Lille avec Galtier qui utilisait des drones le font. De temps en temps, ils ouvrent un poste d'analyste vidéo mais ce n'est pas comme à Leeds où ils sont quatre en place avec Bielsa pour ce domaine. Pour me développer, je vais former des personnes ici au Brésil afin de m'accompagner dans mon projet.

Quels sont vos plans concrètement ?

Je vais commencer à former des personnes sur la prise de vues et les analyses. L'idée, c'est qu'on puisse opérer ensemble à la promotion des joueurs brésiliens vers l'Europe. Aussi, il y a une dimension sociale dans mon projet dans le sens où en les formant, je les mets au fait de ce qu'il se passe dans le championnat local, parce que je ne peux pas tout voir.

On entend souvent dire que la grande force des joueurs venus du continent africain est qu'ils sont prêts tout de suite lorsqu'ils arrivent en France. Pour les Brésiliens, par exemple, l'adaptation peut prendre plus de temps. Comment l'expliquez-vous ?

Je vais prendre le cas de Gerson (recrue estivale de l'OM). Il est de la région de Rio donc d'un environnement où il fait beau et où il vit proche de la mer. Dans un club comme Flamengo, qui est en train de bien se structurer et qui donne de bons salaires, ils sont déracinés quand ils partent très jeunes vers l'Europe. Dès qu'il fait froid à partir de novembre et c'est véridique, ils ne se sentent pas bien parce qu'ils ne sont pas habitués à ça, ce n'est pas dans leur culture. Idem pour la nutrition. Au Brésil, tu manges beaucoup de viande, tu fais des barbecues. Ça nécessite une adaptation. Par exemple, un proche de Renato Sanches (Lille) m'expliquait que lorsqu'il était parti de Benfica pour le Bayern Munich, le joueur avait eu beaucoup de mal à s'adapter à l'alimentation en Allemagne. Le foot est tellement concurrentiel aujourd'hui que la nutrition, le sommeil font partie des détails au haut niveau.

L'OL a recruté Henrique (Vasco de Gama), l'OM Gerson (Flamengo). L'un n'a jamais connu l'Europe à 27 ans, l'autre oui et ce fut mitigé. Quelle est votre vision sur leur parcours et leur trajectoire ?

Pour être honnête, je ne connais pas trop Henrique, mais Vasco de Gama, c'est le club de Juninho donc je présume qu'il a de bonnes connexions là-bas. C'est un latéral gauche qui arrive libre d'un club qui était très faible cette année. Par contre, Gerson, que je vois jouer depuis deux, trois ans, je peux dire que c'est un profil box-to-box, une sorte de Pogba en gaucher. Je l'imaginais partir pour beaucoup plus cher et dans un plus gros club. Flamengo est une équipe hyper tournée vers l'attaque et lui avait un rôle assez crucial puisqu'il devait attaquer et défendre. Il court et compense beaucoup d'une surface à l'autre. Ses meilleures positions sont au milieu dans un 4-4-2 ou axe gauche dans un 4-3-3. J'espère que Sampaoli va le mettre dans les bonnes dispositions mais normalement, c'est une très, très bonne affaire pour l'OM.

Messi a soulevé son premier trophée avec l'Argentine depuis les JO 2008.

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