L'équipe de France féminine passée au crible

22/7/2022

Âges, origines, parcours, palmarès… Qui sont les 23 joueuses françaises qui participent à l’Euro 2022 en Angleterre et pourquoi peuvent-elles nourrir de grandes ambitions pour cette compétition comme pour les suivantes…


L’Équipe de France féminine A participe actuellement à l’Euro 2022 en Angleterre, avec pour objectif de remporter son premier titre majeur. Qualifiées pour les quarts de finale de cette compétition continentale pour la quatrième fois consécutive après les éditions de 2009, 2013 et 2017, suite à leurs victoires face à l’Italie (5-1), la Belgique (2-1) et leur match nul contre l'Islande (1-1), les joueuses de Corinne Diacre affronteront les Pays-Bas ce samedi 23 juillet au New York Stadium de Rotherham.

Un sixième quart de finale consécutif !

Demi-finalistes de la Coupe du Monde 2011 et des Jeux Olympiques 2012, leurs meilleurs résultats internationaux, les Bleues étaient restées au pied du podium après s’être inclinées dans la petite finale. Depuis, elles sont abonnées aux quarts de finale, qu’elles ont atteints à l’Euro 2013, la Coupe du Monde 2015, les JO 2016, l’Euro 2017 et la Coupe du Monde 2019 ! Ce match face aux Néerlandaises sera donc le sixième quart de final de rang pour les Françaises qui espèrent bien cette fois-ci faire exploser ce plafond de verre (les JO 2020 sont la seule compétition majeure à laquelle les Bleues n’ont pas participé durant la décennie 2010, ndlr). Agent spécialisé dans le football féminin depuis douze ans, Paul Maluzebi est d’un optimisme mesuré : « Elles en ont le potentiel, mais il faut reconnaître que cette équipe de France n’est pas la même avec ou sans Marie-Antoinette Katoto. Elle n’a pas d’équivalent dans cette équipe et sa blessure au genou fait mal. Cela s’est vu sur le dernier match face à l'Islande. Collectivement cette équipe a les moyens de passer les quarts, mais même si à certains postes nos joueuses sont parmi les meilleures du monde, on n’a pas de filles au dessus du lot au plus haut niveau. »


Seulement 11 joueuses présentes en 2019

Organisée en France, la Coupe du Monde féminine 2019 avait offert un formidable coup de projecteur au football féminin dans notre pays. Victorieuses de la Corée du Sud (4-0), de la Norvège (2-1) et du Nigéria (1-0) en phase de groupes, les Bleues étaient parvenues à sortir le Brésil en huitième de finale (2-1 ap), avant de s’incliner avec les honneurs face aux Américaines, futures championnes du Monde, en quart de finale (1-2). Des actrices de cette Équipe de France 2019, seulement 11 sont toujours présentes en 2022. Deuxième joueuse française la plus capée derrière Sandrine Soubeyrand (198 sélections), Elise Bussaglia (192 sélections) a pris sa retraite internationale après la Coupe du Monde 2019, avant de prendre sa retraite sportive en 2020. Toujours en activité, d’autres cadres comme Eugénie Le Sommer (175 sélections), Gaëtane Thiney (163 sélections), Sarah Bouhaddi (149 sélections) ou Amandine Henry (93 sélections) n’entrent plus dans les plans de Corinne Diacre, avec laquelle elles sont en conflit à différents degrés. Amel Majri (63 sélections) a quant à elle mis sa carrière entre parenthèses pour devenir maman et a donné naissance à une fille le 5 juillet dernier, tandis que Solène Durand a déclaré forfait sur blessure. Enfin, Julie Debever, Maéva Clemaron, Viviane Asseyi et Emelyne Laurent ont été victimes de la concurrence.


Du renouvellement, mais pas vraiment de rajeunissement

Si la sélection a donc été renouvelée à 52,2% entre la Coupe du Monde 2019 et l’Euro 2022, son rajeunissement reste relatif. La moyenne d’âge des 23 sélectionnées pour l’échéance anglaise n'est que légèrement inférieure à celle de leurs homologues de 2019 : 26 ans Vs 26,3 ans. Les 11 joueuses toujours présentes affichent trois ans de plus et seulement 8 des 23 sélectionnées ont moins de 25 ans, dont la « cadette », Selma Bacha (21 ans). Âgée de 32 ans depuis le 5 juin dernier, Charlotte Bilbault est l’ainée de cette équipe, juste devant la capitaine, Wendie Renard, qui a célébré son 32e anniversaire ce mercredi 20 juillet. Si on dénombre 5 trentenaires dans le groupe, la majorité des joueuses sont âgées entre 25 et 30 ans (10).


Les régions AuRA et IdF aux avant-postes

Concernant les origines de nos 23 sélectionnées, on constate que 11 d’entre-elles sont issues de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de la région Île-de-France. Natives de Seine-et-Marne et du Nord, Ella Palis et Ouleymata Sarr ont grandi en Normandie, tandis que Marion Torrent a vu le jour dans la Marne avant de grandir dans les Bouches-du-Rhône (Région PACA). Par ailleurs, seulement trois joueuses sont nées hors de France métropolitaine. Wendie Renard est originaire de Martinique, Melvine Malard de La réunion, alors que Grace Geyoro est née en République Démocratique du Congo avant d’arriver France à l’âge de deux ans et de grandir dans la région Centre-Val-de-Loire. Notons enfin qu’en plus de Grace Geyoro, 9 autres joueuses ont des origines africaines  (Cissoko, Karchaoui, Mbock, Tounkara, Dali, Asseyi, Diani, Katoto et Sarr), alors que Sandy Baltimore (d’origine guadeloupéenne) et Delphine Cascarino (d’origines italienne et guadeloupéenne), représentent aussi fièrement les Antilles Françaises avec Wendie Renard.


Formation : 40 clubs amateurs représentés, seulement 5 clubs pro

Si l’on évoque ensuite les origines footballistiques de nos Bleues, on dénombre un peu plus de 40 clubs amateurs dans leurs parcours cumulés. Leurs débuts, elles les ont fait via des équipes exclusivement féminines, mais le plus souvent via des équipes mixtes : « C’est en train de changer, avec peu près de 50% des clubs français qui disposent désormais d’une section féminine. Mais pour une très grande majorité les filles de l’Équipe de France actuelle ont joué en mixité chez les jeunes car le niveau chez les filles était trop bas pour elles, précise Paul Maluzebi. C’est encore le cas aujourd’hui, car dans certains secteurs l’offre reste faible pour les filles. Dans ce contexte, on a parfois des filles qui arrêtent alors qu’elles ont des qualités pour viser le haut niveau. » Dotés ou non d’une section féminine, ces clubs amateurs peuvent s’enorgueillir d’avoir activement contribué au bel essor du football féminin depuis vingt ans, à l’instar des milliers de clubs ayant répondu à l’appel de la FFF, qui a très largement encouragé ce développement. Parmi eux, on peut noter que l’AS Manissieux-Saint-Priest et l’AS Saint-Priest ont vu passer 2 joueuses de cette sélection 2022 : Eve Perisset et Delphine Cascarino. Dans le sillage du monde amateur, les clubs professionnels ont progressivement joué la carte du football féminin, privilégiant quant eux le haut niveau, notamment en termes de formation. Cependant, on remarque qu’ils ne sont que 7 à avoir pris le relais de leurs homologues amateurs pour former ces internationales, alors que 7 d’entre-elles ont été formées à l’OL.


Le PSG et l’OL fournisseurs préférentiels

Pour Paul Maluzebi, la tendance est logique : « Comparé aux garçons, ces deux chiffres peuvent s’expliquer par le fait qu’il y a moins de clubs en D1 Arkema qu’en Ligue 1 (12 Vs 20), ce qui réduit nettement la quantité de clubs de haut niveau. Concernant l’OL, c’est le premier club français qui a mis autant de moyens dans le développement du football féminin de haut niveau. Ils l’ont fait en recrutant de grandes joueuses comme Alex Morgan, Megan Rapinoe ou aujourd’hui Ada Hegerberg, mais aussi en misant sur la formation et un scouting dédié. C’est une donnée importante car tous les clubs n’ont pas systématiquement cette approche. Pas mal d’entre-eux demandent encore aux recruteurs des garçons de jeter un oeil sur les filles, alors que les qualités des filles sont différentes de celles des garçons. Quand tous les clubs auront compris cela, un cap supplémentaire sera passé. »  En analysant les parcours de nos Bleues depuis leur formation, on observe que seulement 5 d’entre-elles évoluent toujours avec le club qui les a révélées (Renard, Torrent, Geyoro, Baltimore et Cascarino). Pour les autres, elles sont 10 à n’avoir connu qu’un maximum de trois clubs durant leur carrière. Avec un parcours jalonné de huit clubs, Charlotte Bilbault et Kenza Dali font figures d’exceptions, de même que Pauline Peyraud-Magnin (7 clubs). Aujourd’hui les 23 sélectionnées évoluent majoritairement en France. Elles sont 5 à porter les couleurs de l’OL et autant du Paris Saint-Germain. Derrière les deux mastodontes du football féminin français, les Girondins de Bordeaux, Montpellier HSC et le Paris FC placent 2 joueuses dans le groupe (en tenant compte du fait que les Bordelaises Charlotte Bilbault (MHSC) et Ève Perisset (Chelsea FC) ont quitté Bordeaux juste avant l’Euro, ndlr). Avec 1 représentante (Justine Lerond), le FC Metz ferme la marche des clubs français dans cette liste des 23 en étant d’ailleurs l’unique club de D2 représenté.

Wendie Renard, symbole du paradoxe français

Avec près d’un quart de nos 23 sélectionnées qui évoluent à l’étranger le football féminin français s’exporte bien même si dans ce domaine la donne est différente que chez les garçons comme l’explique Paul Maluzebi : « Contrairement aux garçons quitter le championnat français n’est pas une obligation pour nos internationales si elles veulent côtoyer le très haut niveau. La D1 Arkema fait partie du Top 3 mondial des championnats les mieux valorisés financièrement, ce qui n’est pas le cas de la L1. De plus, avec deux clubs comme l’OL et le PSG on est sur ce qui se fait de mieux en Europe, voire dans le monde. Quand on est joueuse de haut niveau, on a moins d’intérêt que les garçons d’aller voir ailleurs. ». De très loin le meilleur club européen des dix dernières années, voire même des quinze dernières années, l’OL féminin n’a pas d’équivalent en France chez les garçons. Quant au filles du PSG, si elles n’ont réussi à enlever qu’un seul titre aux lyonnaises ces dernières années (2021), elles se sont plus souvent hissées vers les sommets européens que leurs homologues garçons, avec notamment deux finales disputées en Ligue des Champions. On touche ici au grand paradoxe du football féminin français, symbolisé par Wendie Renard. La capitaine des Bleues possède un palmarès incroyable avec son club : 9 Ligues des Champions remportées, 15 titres de championne de France, 8 Coupes de Frances soulevées et 24 distinctions individuelles, mais toujours aucun titre majeur avec l’Équipe de France ! « Ce qui peut aujourd’hui pénaliser la sélection c’est le fait d’avoir un championnat d’élite à plusieurs vitesse, pense Paul Maluzebi. L’OL et le PSG ont une telle domination sur la D1 Arkéma. Derrière il y a quelques clubs qui luttent pour le podium, un ventre mou et des équipes qui luttent pour le maintien, mais globalement ce championnat n’offre pas une constance du plus haut niveau pour nos meilleures joueuses. C’est peut-être l’une des explications du manque de palmarès de l’Équipe de France féminine aujourd’hui.»


L'expérience du haut niveau international

Une chose est certaine, outre Wendie Renard, dont cet Euro 2022 est la huitième grande compétition internationale de sa carrière (!), plusieurs joueuses dans cette liste des 23 ont une grande expérience des matchs de très haut niveau, sur laquelle Corinne Diacre peut s’appuyer solidement. Les Lyonnaises Delphine Cascarino (7) et Griedge Mbock (6) ont également multiplié les succès en Ligue des Champions ces dernières années. Toujours avec l’OL, Ève Perisset (2017) et Sakina Karchaoui (2020) l’ont également remporté une fois, tandis que les Parisiennes Grace Geyoro et Marie-Antoinette Katoto ont disputé deux finales avec le PSG en 2015 et 2017. Cette expérience des grands rendez-vous, 13 des 23 sélectionnées l’ont également emmagasiné sous le maillot bleu. 11 étaient présentes dans la sélection pour la Coupe du Monde 2019, 6 l’étaient aussi pour l’Euro 2017, 3 pour les JO 2016 et 4 pour la Coupe du Monde 2015. Outre l’inusable Wendie Renard et ses 135 sélections depuis 2011 (!), Griedge Mbock a participé à toutes les grandes compétitions depuis 2015 (l’Euro 2022 est sa 5e), Kadidiatou Diani est présente depuis 2016 (4e), Grace Geyoro et Aïssatou Tounkara depuis 2017 (3e). Quant à Kenza Dali, présente en 2015, et Sandie Toletti, présente en 2017, elles ont effectuées leur retour cette année.


Les Bleuettes montrent la voie

Au total, les 23 joueuses de cette Équipée France cumulaient près 850 sélections au coup d’envoi de l’Euro 2022 ! Si Wendie Renard étaient la seule à culminer au-delà des 100 capes, elles étaient 4 à dépasser les 50 sélections (Karchaoui, Mbock, Geyoro et Diani). Charlotte Bilbault les a rejoint depuis (51), tandis que Kenza Dali et Delphine Cascarino pourraient en faire de même si la France avait le bonheur d’atteindre la finale. Outre cette expérience commune chez les « A », nos 23 Bleues sans exception ont auparavant été des Bleuettes et cumulent là aussi plus de 850 sélections avec les Équipes de France U16/U17/U19/U20 et U23 ! Avec 62 capes, Sandie Toletti est la joueuse des 23 qui a été le plus appelée chez les jeunes. L’ancienne montpelliéraine s’y est construit un formidable palmarès avec en point d’orgue un titre de championne Monde U17 en 2012, un autre de championne d’Europe U19 en 2013 et deux finales européennes malheureuses avec les U17 en 2011 et 2012. Elle avait d’ailleurs été nommée Golden Player lors de l’Euro U17 2012, avant de l’être à nouveau lors de l’Euro U19 2013, alors que Griedge Mbock avait été distinguée meilleure joueuse de la Coupe du Monde U17 2012.

Détection et formation : un vrai bond en avant pour la FFF

Plus largement, toutes nos Bleues ont remporté un titre ou disputé une finale majeure avec les équipes de France de jeunes. Ces différents succès viennent mettre en lumière les progrès de la FFF et de ses clubs en matière de détection et de formation des talents sur la décennie 2010. Aucune de nos internationales n’est passée au travers de ce maillage fédéral a permis aux sélections féminines de jeunes, à l’instar des garçons, de se hisser au plus haut niveau européen et mondial. « Ce qui a changé la donne c’est le développement du systèmes de pôles de performance ces dernières années, comme cela a pu être fait dans les années 2000 chez les garçons, explique Paul Maluzebi. On n’est pas encore au même niveau chez les filles mais c’est très structuré et ce qui est certain c’est que peu de fédérations mettent autant de moyens que la FFF pour développer le football féminin. Du coup cela se ressent sur les résultats. » Une évolution qui permet aujourd’hui de nourrir les plus grandes ambitions pour l’Équipe de France A. Cet Euro 2022 en Angleterre, mais aussi la Coupe du Monde 2023, qui se déroulera en Nouvelle-Zélande et en Australie, et pour laquelle la France a été la première nation qualifiée hors pays organisateurs, ou encore les JO de Paris 2024, voilà autant d’occasions pour les Bleues de marquer l’histoire du football français. Elles en ont le potentiel !


Les 23 joueuses sélectionnées pour l’Euro 2022

Gardiennes : Mylène Chavas, Justine Lerond, Pauline Peyraud-Magnin

Défenseures : Selma Bacha, Hawa Cissoko, Sakina Karchaoui, Griedge Mbock, Ève Perisset, Wendie Renard, Marion Torrent, Aïssatou Tounkara
Milieux : Charlotte Bilbault, Kenza Dali, Grace Geyoro, Ella Palis, Sandie Toletti
Attaquantes : Sandy Baltimore, Delphine Cascarino, Kadidiatou Diani, Marie-Antoinette Katoto (blessée au genou contre la Belgique et forfait pour le reste de la compétition), Melvine Malard, Clara Mateo et Ouleymata Sarr

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