Il y a quelques années, disons cinq ans, la plupart des matchs de football féminin n’étaient pas disponibles sur les plateformes comme InStat. Le travail de scouting était très compliqué chez les filles, du moins pour cette première phase durant laquelle on utilise la vidéo pour couvrir un maximum de compétitions et compiler les informations sur les joueuses. Aujourd’hui c’est assez similaire aux garçons car ces matchs sont disponibles. Nous obtenons donc beaucoup plus de signalements sur les joueuses et nous pouvons rapidement et facilement accéder aux données. Cela nous permet d’affiner nos recherches, de nous faire un avis précis avant de passer à la deuxième phase qui est l’observation en direct. Dans ce contexte, le process est devenu assez similaire entre les filles et les garçons.
Globalement c’est la même chose. Nous sommes là pour présenter un projet et une manière de travailler aux joueuses. Si ça leur plait la discussion continue et s’affine en fonction des objectifs et des opportunités. En tant qu’agence spécialisée dans le football féminin, nous offrons le même service que les agences "masculines" bien développées offrent leurs joueurs. C’est un travail quotidien car notre rôle n’est pas de trouver un club aux joueuses puis de disparaître. Dans le football féminin particulièrement cette notion de suivi est très importante car la part des revenus de sponsoring est plus élevée que chez les garçons. Nous avons par exemple des joueuses dont les revenus de sponsoring sont plus importants que les revenus footballistiques.
C’est exactement ça. Pour schématiser, un joueur qui gagne 100 000 € par mois sera moins intéressé par un contrat de sponsoring de 50 000 € qu’une joueuse qui gagne 10 000 € par mois. C’est un exemple un peu caricatural, mais cela permet de comprendre l’importance de cette partie sponsoring pour les joueuses et la nécessité pour elles d’être accompagnées par une agence comme la nôtre, qui a l’expérience et la compréhension des enjeux spécifiques au football féminin.
Il y a trois championnats majeurs. Effectivement, la NWSL en fait partie et peut-être aujourd’hui considéré comme le championnat n°1. Cependant, la WSL anglaise se développe énormément et sera selon moi, de loin, le meilleur championnat dans cinq ans. En troisième, on a la D1 Arkema, un championnat qui stagne, qui tarde à se professionnaliser, mais qui peut compter sur les grosses performances de ses deux locomotives, le PSG et surtout l’OL.
Le mot est peut-être un peu fort, mais la France prend clairement du retard sur ce plan alors que d’autres championnats commencent à sérieusement se structurer et s’homogénéiser. Alors oui aujourd’hui nous avons un club comme l’OL qui domine le football féminin européen depuis une quinzaine d’années, puis le PSG qui est venu quelque peu challenger cette domination. Mais derrière cela ne suit pas, même si un club comme le Paris FC est en train d’émerger malgré son récent échec en barrages pour la Champions League (le PFC a été éliminé aux tirs au but par l’AS Roma en finale du premier tour des barrages, ndlr). Sans remettre en cause le travail qui est effectué par les clubs, avec un championnat professionnel beaucoup ne pourraient pas faire partie de l’élite. Si on veut que notre championnat demeure l’un des meilleurs, c’est un passage obligé. C’est indispensable pour augmenter le niveau du football féminin français, mais aussi de permettre à notre sélection nationale de passer un vrai cap.
Cela reste un beau parcours par rapport l’effectif actuel. Alors oui, quand on voit le palmarès en club de certaines joueuses, on peut juger les performances de la sélection insuffisantes. Mais il ne faut pas oublier que dans leurs clubs, l’OL et le PSG en l’occurence, elles évoluent avec beaucoup de joueuses étrangères de très haut niveau, qui ont selon moi une très grande importance dans ces résultats. En demi-finale la France est tombée sur une belle équipe allemande, cela s’est joué à peu de choses, c’est un parcours très honorable. Les Bleues n’étaient pas favorites au départ de la compétition, je pense qu’elles sont à leur place.
Globalement il y a de moins en moins de différence de niveaux entre les sélections, surtout à partir des 8es de finale. L’Angleterre a réussi à gagner devant son public, ce qui a été une superbe publicité pour le football féminin. Le niveau global augmente clairement et l’intérêt que suscite le football féminin aussi, c’est très positif.
Oui clairement. D’un point de vue marketing c’est implacable. Quand le produit est bon, les gens se déplacent. Le public veut aller dans des grands stades, avec une belle pelouse, une grosse ambiance et de l’enjeu sportif. À partir du moment où le football féminin parvient à offrir ce genre de produit, cela ne peut que fonctionner. C’est ce qui pousse de grands clubs comme le FC Barcelone, le Bayern, la Juventus ou Chelsea, pour ne citer qu’eux, à investir dans le football féminin. Avec une fan base globale qui est juste monstrueuse, dès lors que des clubs de ce niveau deviennent compétitifs, l’attractivité du football féminin est en forte hausse. Comme tu l’as souligné dans ta question, en 2022, les trois matchs qui ont généré les plus belles affluences en Europe sont des matchs féminins.
Ma vision des choses diffère si l’on parle d’un club ou d’une sélection. L’économie de 99% des clubs mixtes dans le monde est aujourd’hui portée très majoritairement par le football masculin. Il n’est donc pas anormal que les salaires ne soient pas les mêmes. Quand le football féminin génèrera autant de revenus que le football masculin, ce débat aura réellement sa place et je dirais même que cela ne fera plus débat. En revanche, concernant les sélections, qui sont gérées par les fédérations, j’ai un tout autre regard. Pour moi, elles ne doivent pas être gérées comme un business car elles sont garantes d’un service public : la promotion du sport et du football en particulier pour ce qui nous concerne. Je pense que les revenus générés par des sélections doivent être partagés de manière égale entre les filles et les garçons.
Je ne pense pas. On parle de compétition, les clubs sont là pour gagner des titres. Si cela passe par le recrutement de grandes joueuses étrangères c’est tout à faire normal qu’ils le fassent. C’est aux jeunes joueuses françaises de faire évoluer leur mentalité. On voit par exemple beaucoup de joueuses étrangères de 18/19 ans qui n’hésitent pas à s’expatrier pour progresser. En France, la majorité des joueuses de cet âge vont privilégier un club français de D2 à une expérience à l’étranger si elles sont bloquées au plus haut niveau. La structure des championnats de haut niveau aussi doit évoluer et le passage à poule unique de 12 équipes en D2, comme la création d’une D3 à deux poules de 12 équipes, va permettre aux joueuses, notamment les plus jeunes, de se développer dans un environnement plus en adéquation avec les exigences du haut niveau.
J’en reviens au rôle d’une fédération qui est de faire en sorte que la pratique du football puisse être la plus répandue possible et qu’un maximum de jeunes filles puissent y avoir accès. En France comme dans d’autres pays c’est en train d’évoluer dans ce sens. Le développement du football féminin est désormais un objectif important pour de nombreuses fédérations, les moyens qui lui sont consacrés augmentent et le nombre de licenciées aussi. Aujourd’hui une fille qui joue au football n’est plus vue comme un ovni, c’est déjà un grand cap qui a été passé.
Bien entendu, si on parle de jeu, en raison des aspects athlétiques le football masculin est beaucoup plus physique, intense et rapide que le football féminin. Ceci étant dit, il n’y a en fait pas de différence selon moi dans l’approche « scouting » du football féminin par rapport au football masculin. Un scout recherche des profils précis. Si on lui demande par exemple de dénicher un(e) latéral(e) gauche rapide qui performe dans les centres, la recherche de ces qualités est identique chez les filles et les garçons.