Laurène Tresfield : "Il ne faut pas avoir peur de se lancer"

Joueuse professionnelle au Deportivo Alavés depuis octobre dernier, Laurène Tresfield a effectué la formation recruteur FRFP en 2023 alors qu'elle évoluait au GPSO 92. À l'occasion de la Journée Mondiale du Sport Féminin, nous avons souhaité mettre en lumière son parcours inspirant. Le scouting n'est pas réservé aux hommes, la preuve.

Laurène, comment es-tu venue au football ?

J’ai commencé à l’âge de 6 ans à Roissy-en-Brie. J’étais la seule fille dans un club de garçons. J’y ai joué pendant quatre ans puis j’ai été repérée pour intégrer la section sportive de l’US Torcy. C’était toujours avec les garçons, mais j’étais avec deux autres filles, puis à l’âge de 15 ans j’ai dû rejoindre un club féminin. J’ai alors intégré le pôle espoirs de Liévin et le club de Juvisy qui est depuis devenu le Paris FC. J’ai aussi eu la chance à cette époque de découvrir la sélection nationale U17.

Là tu commençais clairement à atteindre le haut niveau et tu as choisi de rejoindre le football universitaire américain. Pourquoi ce choix et comment as-tu réalisé ce projet ?

Je voulais concilier les études et le football de haut niveau, mais cela n’était pas possible en France. J’ai alors eu l’occasion de participer à une détection organisée par Amos Business School, pour laquelle des coachs universitaires américains étaient présents. Cela s’est bien passé et j’ai pu intégrer l’Université d’Oklahoma où j’ai passé cinq années. Cette opportunité m’a permis de tout concilier dans un environnement incroyable où tout était mis en place pour réussir sur les plans sportif et scolaire. Le niveau était très intéressant puisque l’équipe évoluait au plus haut niveau de la NCAA et j’ai pu obtenir l’équivalent de la licence STAPS française.

Laurène Tresfield sous les couleurs de l'Université d'Oklahoma.

À ton retour, tu as intégré le HAC, puis le GPSO 92 à Issy-les-Moulineaux, avant de t’engager en octobre dernier avec le club espagnol du Deportivo Alavés, mais sans pour autant tirer un trait sur les études…

C’est ça. Je suis resté trois saisons au Havre, en Division 2 puis en Division 1, puis j’ai évolué au GPSO 92 la saison dernière et je suis en Espagne depuis quelques mois. Dans un premier temps je voulais absolument obtenir l’équivalence française de mon diplôme américain et je me suis faite aider par l’UNFP dans cette démarche. J’ai pu effectuer des cours en ligne avec la Faculté de Liévin et une fois cette étape franchie j’avais envie de continuer à étudier car j’avais besoin de quelque chose pour me stimuler mentalement. C’est à ce moment-là que je me suis intéressée au scouting et que j’ai découvert FRFP. J’en ai parlé à l’UNFP qui connaissais bien votre école et c’est là que je suis entrée en contact avec ses fondateurs, Souleymane Camara et Rachid Khlifi il y a un an environ.

Nous étions en petit effectif avec deux autres étudiants sur cette session et cela nous a permis d’avoir un suivi et des retours très personnalisés via nos échanges avec les différents formateurs et intervenants.

Qu’est-ce qui t’a conduit à t’intéresser au monde du recrutement ?

J’étais curieuse et le fait d’être joueuse, d’avoir fait des détections, m’y a amené naturellement. J’hésitais entre la formation d’agent et celle de scout, puis après en avoir discuté avec Souleymane et Rachid j’ai opté pour cette dernier que je trouvais très intéressante.

Le fait de jouer pour le club d’Issy-les-Moulineaux t’as donc permis d’effectuer la formation recruteur en présentiel…

Exactement. Je remercie d’ailleurs le club qui m’a aidé à financer cette formation que j’ai beaucoup appréciée et qui m’a aussi beaucoup appris. J’ai découvert un métier, mais me former au scouting m’a aussi permis d’appréhender différemment mon rôle de joueuse. C’était très enrichissant. Nous étions en petit effectif avec deux autres étudiants sur cette session et cela nous a permis d’avoir un suivi et des retours très personnalisés via nos échanges avec les différents formateurs et intervenants.

À son retour des États-Unis, Laurène Tresfield a évolué durant trois saisons au HAC.

Concrètement en quoi la formation a-t-elle fait évoluer ton approche du football en tant que joueuse ?

Elle m’a influencé sur pas mal de choses, mais la plus concrète est l’analyse de l’adversaire. Quand on prépare nos matchs et que l’on a des séquences sur l’adversaire j’ai beaucoup plus de finesse dans mon approche. J’évolue en défense centrale donc  j’ai un regard beaucoup plus poussé sur le profil des attaquantes adverse. Quand j’observe une attaquante, je vais regarder précisément ses caractéristiques, si elle décroche, si elle prend la profondeur, quel est son pied fort, quels sont ses déplacements, ses relations avec ses coéquipières, son profil physique ou technique… J’identifie cela beaucoup plus facilement et c’est forcément un atout supplémentaire.

Quand on regarde un match avec un œil averti on voit certaines choses, une bonne prise de balle, un bon appel, le comportement… Mais quand on le fait avec l’œil du recruteur on en voit beaucoup plus, rien ne nous échappe car on est dans l’expertise.

Plus largement qu’as-tu appris sur le scouting que tu n’envisageais pas forcément avant de de former ?

Sur la partie identification du talent d’un joueur, c’est surtout sur tous les détails qui entrent en jeu quand on observe un match avec l’œil du recruteur. Quand on regarde un match avec un œil averti on voit certaines choses, une bonne prise de balle, un bon appel, le comportement… Mais quand on le fait avec l’œil du recruteur on en voit beaucoup plus, rien ne nous échappe car on est dans l'expertise. Plus largement, la formation m’a aussi beaucoup appris sur le football masculin que je connais forcément moins bien que le football féminin puisque je le vis de l’intérieur. Je comprends beaucoup mieux son fonctionnement, notamment chez les jeunes et sur les types de contrats qui leurs sont proposés ou le fonctionnement des centres de formation. Nous n’avons pas encore cela chez les filles donc c’était très instructif pour moi. 

Toi qui as connu le football féminin aux États-Unis et qui a découvert le foot féminin espagnol récemment, qu’as-tu pu observer de différent à ce qui se fait en France en termes de scouting ?

Pour les États-Unis, et plus précisément dans le soccer universitaire, les moyens mis en place sont importants et cela passe essentiellement par des détections pour lesquelles les coachs se déplacent. C’est comme cela que j’ai moi-même été recruté et j’ai pu constater que cela se passe comme ça dans toutes les universités. Hors saison sportive, les coachs observent aussi beaucoup de matchs pour repérer des joueuses, que cela soit en live en ou vidéo. J’ai moins de recul sur l’Espagne, mais ce qui m’a marqué jusqu’ici c’est aussi une utilisation de la vidéo largement supérieure à ce qui se fait en France.

Depuis octobre 2023, Laurène Tresfield porte les couleurs du Deportivo Alavés.

Tu parles du football féminin, mais on peut aussi tout à fait imaginer des femmes scouts dans le football masculin…

Oui, je parle du football féminin car c’est celui que je connais le mieux et dans lequel je me sens légitime aujourd’hui. Avec la formation j’ai beaucoup appris sur le football masculin, mais j’ai encore besoin de l’observer, de l’analyser et d’affiner mon œil pour me projeter dans le scouting chez les garçons. Mais il est certain que pour ne fille qui suit de près le football masculin, il ne faut pas qu’elle se mettre de barrière. Ce qui compte avant tout c’est la compétence, pas le fait d’être une femme ou un homme.

Finissons cet entretien en évoquant l’évolution du football féminin français face à la concurrence de ses voisins anglais ou espagnol. Quel est ton regard sur cela ?

Je pense que le football féminin français s’est un peu endormi sur ses lauriers et a perdu l’avance qui était la sienne. Aujourd’hui, l’Angleterre et même l’Espagne nous ont rattrapé et même dépassé je pense. Les acteurs du football féminin français, que l’on parle des clubs ou de la fédération en ont pris conscience et malgré tout nous sommes sur la bonne voie. Je pense notamment à la mise en place de la ligue professionnelle qui va beaucoup aider les clubs accentuer le développement du football féminin dans notre pays.

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